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RENCONTRE AVEC JULIE TANNEAU


PAR VIRGINIE VAULOUP - 14.11.2022

Julie TANNEAU, femme transgenre au parcours exceptionnel I (c) Facebook Julie TANNEAU
Julie TANNEAU, femme transgenre au parcours exceptionnel I (c) Facebook Julie TANNEAU

Julie est une femme de 37 ans transgenre qui a commencé sa transition il y a dix mois.

 

Pour la plupart des gens, il n'existe que deux genres : l'homme ou la femme. Or, les personnes transgenres ne s'identifient pas au genre et identité qui leur sont attribués.

 

Julie a rejeté très jeune, ce corps qui n'était pas le sien. Entre 5 et 7 ans, quelque chose n'allait pas. Dès l'âge de 5 ans,  elle s'est aperçue qu'elle ne rentrait pas dans les cases de la société. À 7 ans, Julie a commencé une guerre psychologique contre elle-même.

 

On lui disait que c'était un garçon... elle sera donc un garçon ! Et même si elle aimait jouer avec des jouets de "mecs" elle se sent fille... pas simple... Qui suis-je ?

 

 

UNE JEUNESSE DIFFICILE


(c) redbubble.com
(c) redbubble.com

L'école a été une étape houleuse. Difficulté d'intégration, échec scolaire, rejet d'elle-même... Julie me dit que, par moment, ça revenait à la surface : cette sensation d'étouffer à l'intérieur d'elle-même :

 

"A 16 ans, la dysphorie de genre, ce truc qui parait anodin mais qui fait qu'on se déteste de la tête aux pieds et qui peut parfois donner envie d'en finir avec la vie. Et ma féminité qui cherche à refaire surface de plus en plus souvent... Avec mes premiers salaires, je commence à acheter des vêtements féminins, donc, je suis un travesti, enfin c'est "l'étiquette" que je me mettais.

 

A 17 ans, j'ai rencontré ma première compagne, la première personne à qui j'ai parlé de ma féminité. Mais, par honte de moi-même, j'ai à nouveau rejeté cette féminité... J'ai vécu trois ans avec elle. Trois années à vivre avec la femme que j'aimais et dont je jalousais secrètement son physique car elle était celle que je souhaitais être...

 

C'est vers l'âge de 22/23 ans seulement que j'ai commencé à me renseigner comment je pourrai être la femme que je suis intérieurement. Je suis tombée sur des forums qui parlaient de transsexualité. A l'époque, ce terme était utilisé pour une "soi-disant maladie mentale"!

 

Mais je ne suis pas folle.

 

 

JE SUIS JULIE


(c) Virginie Vauloup
(c) Virginie Vauloup

''Et je retourne dans le déni : la nécessité d'enfouir cette féminité au plus profond de mon âme et d'exprimer le genre que l'on m'a signé à ma naissance...

Je dois être un homme !

 

Plus j'essaie d'enfouir cette féminité et plus elle refait surface. J'étais bien emprisonnée dans un corps d'homme mais cette femme que je suis a commencé à vouloir s'exprimer. Et là, tout s'est enchainé...

 

En un an et demi, j'ai fait mon premier shooting photo, j'ai pris RDV avec une médecin généraliste afin de débuter un traitement hormonal. J'ai été modèle maquillage à l'école créamorphe de Quimper. J'ai découvert deux associations près de chez moi (le collectif trans en Finistère sud et la LDH Quimper commission identité).

 

J'ai fait mon coming out.

 

Je suis aujourd'hui membre actif du collectif trans en Finistère sud et membre de la LDH Quimper section identité. Je coanime des groupes de parole pour ces deux associations, j'organise des réunions et je participe également à l'organisation des prides du collectif "fiertés 29". Je suis référente transidentité à la LDH au niveau national.

 

Aujourd'hui, je suis Julie, femme transgenre lesbienne qui s'affirme et qui aime casser les codes de cette société en démontant les arguments transphobes de certaines personnes.''

 

 

 

 

 

 ENTRE NOUS


(c) Virginie Vauloup
(c) Virginie Vauloup

Julie, qu'est ce qui t'as semblé le plus difficile au cours de ces deux dernières années ?

 

JULIE : Indéniablement, le plus difficile a été de l'avouer à mes parents. Sans doute par manque de courage et par peur de leurs réactions, j'ai opté pour un courrier qu'il ont lu tous les deux au même moment.

Curieusement, leurs réponses n'étaient pas du tout ce à quoi je m'attendais. Ils m'ont téléphoné dès le lendemain matin et m'ont juste dit qu'ils avaient lu ma lettre et que "si c'est comme ça...ben c'est comme ça!

 

Comment se passe ton traitement hormonal et comment agit-il ?

 

JULIE : Uniquement œstrogène et progestérone. Le taux de testostérone baisse naturellement avec la prise d'œstrogène. Pour la pilosité du visage, j'ai eu recours à l'épilation laser. Au bout de trois mois, j'ai commencé à voir une différence au niveau de la poitrine. Rapidement, j'ai observé une féminisation de mon corps. Moins de ventre et visage plus fin, plus de formes au niveau des cuisses, fesses et seins.

 

Aujourd'hui, comment te sens tu ?


JULIE : 
Bien mieux que mes 36 dernières années !

Aujourd'hui, je suis moi-même. Je me sens bien. Je suis acceptée. J'ai encore quelques dysphories mais de moins en moins. Je m'assume entièrement et mon rôle dans les associations me permet d'écouter, de conseiller et d'aider les personnes qui en ont besoin.

 

Julie...si je te dis "est-ce que tu te sens belle" ? Tu me réponds quoi ?

 

JULIE : Je te réponds...de plus en plus ! Voir mon corps et mon visage changer extrêmement vite me fait beaucoup de bien. Les gens me le disent aussi, et ça, ça fait plaisir !

 

Tu te vois comment dans dix ans ?

 

JULIE : Dans l'idéal, en couple et avec des enfants. Les chiens, je les ai déjà !

 

Que dirais-tu à une personne qui se sent mal due à sa transidentité ?

 

JULIE : Surtout d'en parler, de ne pas se terrer et de bien s'entourer (tant sur ses amis, sa famille que du personnel médical bienveillants et des associations à l'écoute)..

 


(c) istock.com
(c) istock.com

 

 

 

 

 

 

Pour clôturer cette chronique, je ne pouvais me résigner de vous citer cette merveilleuse phrase de Simone de Beauvoir :

 

"J'accepte la grande aventure d'être moi-même"