🎵 MUSIQUE I LE TOP 10 DES CHANSONS FRANÇAISES. (PARTIE 1/2)


PAR RÉGIS PENHOËT - 03.04.2023

Elles ont marqué notre enfance ou ont fait parti d'instants forts de nos vies.
Elles ont marqué notre enfance ou ont fait parti d'instants forts de nos vies.
(c) podcastscience.fm
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Bon, vous le savez depuis le temps, je suis un grand adepte des listes dénombrant les incontournables quel que soit le domaine, et plus encore du traditionnel Top Ten qui permet de dresser une liste exhaustive.

 

C'est ce que je m'apprête à vous fournir présentement. Mais dans quel domaine me direz-vous ? Eh bien, je vais vous parler musique et plus précisément chanson française en vous proposant de sélectionner, selon mes préférences personnelles cela va sans dire, les dix titres que je considère comme véhiculant le plus d'émotions ou porteurs d'un message fort.

 

Avant de commencer, il est essentiel de préciser que toute chanson (ou presque mais nous ne nous y attarderons pas) possède une histoire qui lui est propre et que l'émotion qu'elle suscite chez un individu dépend essentiellement de son propre vécu : vous n'écouterez pas avec la même oreille du Brassens si vous avez vingt que si vous en avez soixante, c'est assez logique car au fur et à mesure que l'on avance dans le chemin de rail qu'est la vie, on développe de l'expérience et on est alors plus à même de saisir les subtilités de certains textes dont on serait complètement passés à côté si on les avait entendu plus tôt !

 

En somme, une même chanson peut transmettre une multitude d'émotions et / ou d'interprétations en fonction du vécu de son auditeur mais aussi de paramètres parallèles tels que la voix de l'artiste ( car la plupart des chansons peuvent être reprises et réinterprétées à l'infini ), les circonstances dans lesquelles on a entendu ce titre le plus souvent ( car la mémoire cognitive associe automatiquement les musiques, au même titre que les senteurs, les saveurs ou les couleurs, à des souvenirs, des images du passé, et donc des émotions ), et bien sûr, la nostangie, celle-ci s'avérant sansnul doute comme l'atout indispensable qu'aura une chanson dans le cœur d'une personne, car c'est indéniablement cette émotion qui nous fera hautement apprécier des musiques qui auront su traverser un pan de notre existence.

 

Ainsi, on se souviendra avec une incommensurable tendresse de la chanson que l'on aura eu plaisir à entendre un proche chanter lorsque nous étions en voiture, d'un tube de l'été, que l'on pourra certes trouver ringarde aujourd'hui mais qui nous rappelera nos sorties adolescentes sur les plages, ou encore d'une musique de film qui nous remémorera la séance à laquelle nous avions assisté avec le / la partenaire de nos premiers émois.

Vous pouvez assurément le constater : il existe autant de raisons d'apprécier une chanson, en fonction de l'écho qu'il effectue dans nos souvenirs, qu'il existe de sublimes titres de la variété française ( bien sûr, il existe pléthore de titres tout aussi renversants dans les langues autres que celle de Molière mais j'avoue ne pas être un linguiste suffisamment calé pour en saisir tous les sens ).

 

Sans plus tarder, nous allons entrer dans le vif du sujet avec une liste des dix titres qui, selon moi, portent le plus aux «  tripes «  comme on dit, ceux qui me parlent et qui, je pense, sont fédérateurs et peuvent ainsi dégager des émotions semblables chez tout un chacun.

A noter une fois n'est pas coutumes qu'il s'agit là d'un classement «  partial «  puisque les goûts et les couleurs ça ne se discute pas, et je vous invite dès à présent à établir, ne serait-ce que mentalement, votre propre liste afin de les glisser dans votre playlist Deezer ou Spotify ( si ce n'est déjà fait ! ) 

 

''AVEC LE TEMPS'' de Léo FERRÉ.


(c) wikipedia.org
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Selon moi, chaque chanson peut aussi s'avérer être une leçon de vie et s'il en est à tirer de ce titre, c'est que le temps nous est ô combien précieux ! C'est d'ailleurs le seul bien que l'on possède et que l'on ne peut récupérer, d'où l'expression qui dit «  le temps c'est de l'argent «  même si cet adage n'est pas toujours utilisé à bon escient mais davantage pour quantifier l'importance du temps en rapport avec ce qu'il peut rapporter, ce qui n'est pas la plus grande richesse du temps que nous possédons, celui-ci servant en premier à prendre le temps de vivre et de profiter des siens, de contempler un joli paysage, de déguster de doux mets et... d'écouter une belle mélodie !

 

Toujours est-il qu'au travers de ce titre, ce chanteur qui est aussi et surtout un poète de la seconde partie du XXème siècle, nous livre sans fausse pudeur une certaine désillusion sur la vie et sur l'effet dévastateur qu'a le facteur temps sur les sentiments de tout un chacun,le conduisant à une forme de tragédie.

 

Si on s'amuse à citer le texte, «  on oublie le visage et on oublie la voix «  fait référence à l'impact que le temps a sur nos souvenirs sensoriels, émotionnels ou même visuels, ainsi on efface peu à peu des détails de nos mémoires, même lorsqu'ils impliquent des êtres que l'on aura chéri durant des années ou que l'on aura cotôyé durant une période de notre vie. Se rappelle-t'on du son de la voix de notre meilleur ami d'enfance ?

 

«  On se sent blanchi comme un cheval fourbu «  En faisant cette triste métaphore, l'auteur-interprète évoque ses cheveux blancs qui reflètent un parcours de vie bien avancé, et le sentiment d'être arrivé au bout du parcours tel un cheval qui aura longtemps galopé sans trop se retourner.

Enfin, en clamant «  On se sent floué par les années perdues « , Léo exprime des profonds regrets, une amertume personnelle de ne pas avoir su profiter de chaque instant de sa vie, peut-être de ne pas avoir su saisir les opportunités ou de ne pas avoir su aimer ou à contrario exprimer ses passions. Difficile à dire.

 

Ce que j'aime dans ce texte, bien qu'il ne reflète pas nécessairement mon état d'esprit puisqu'il s'agit davantage d'un cri du cœur d'une personne ayant dépassé la fleur de l'âge, c'est cette incroyable sincérité, le poids de chacun des mots qui résonnent dans l'esprit de celui qui l'écoute, cette sensation d'avoir encore le temps de ne pas éprouver ce qu'exprime avec une certaine véhémence Léo qui parvient là le coup de maître de ne laisser personne indifférent et de donner un véritable sens à chacune de ses paroles.

 

PS : après l'écoute de ce magnifique texte qui peut s'apparenter à une apologie de l'importance de vivre pleinement sans regrets, il est fortement conseillé d'écouter un titre aux antipodes de ce dernier pour se redonner un bon coup de vitamines (car la musique sert aussi à égayer nos vies).

 

''QUI A LE DROIT ?'' de Patrick BRUEL.


(c) jesuismusique.com
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Passons à un tout autre registre avec ce très mémorable titre de Patriiiick (en l'écrivant ainsi, vous voyez de suite que je veux parler du célèbre chanter de la Bruel-mania des années 90).

 

Ce n'est pas nécessairement le plus populaire de ces titres mais selon moi c'est le plus marquant, et le plus enclin à faire passer un message fort et personnel

(car dans cette chanson il dépeint avec pudeur son cri du cœur, et celui de tant d'autres enfants orphelins d'un père ou d'une mère) pour exprimer les douloureux ressenties d'un enfant qui ne comprend pas le monde adulte avec ses moult décisions injustes et ce décalage qui existe entre l'innocence de son statut d'enfant et cette frêle férocité des adultes qui l'entourent, lesquels se prêtent parfois aux pires mensonges qui soient pour, évidemment, les protéger d'une vérité qu'ils jugent trop difficile à affronter pour nos jeunes têtes blondes.

 

Lorsqu'il scande avec une profonde sincérité «  Merci à qui, à quoi... à faire la pluie et le beau temps, pour des enfants à qui l'on ment ! «, l'interprète qui est aussi connu pour ses talents d'acteur, pointe du doigt une certaine évidence, qui est loin d'être facile à appréhender lorsque l'on se retrouve parent et face à des situations inextricables impliquant d'avoir recours au mensonge face à son propre enfant, à savoir qu'aucune vérité ne peut être plus dévastatrice dans la vie d'un enfant que d'apprendre ensuite qu'on lui a menti.

 

Selon moi, le fait que le mot le plus fort de cette chanson soit volontairement placé à la fin du refrain de cette triste ballade, et répété tel un écho juste après, prouve à quel point il est difficile à accepter pour un enfant que son parent puisse être amené à lui mentir. Nos parents sont nos premiers piliers, les personnes en lesquelles nous faisons automatiquement confiance dès nos premiers mots, nos premiers pas et j'irai même jusqu'à dire nos premiers regards vers ce monde extérieur. Perdre cette confiance en eux, c'est s'imaginer que n'importe quelle personne que l'on croisera sur notre route sera à même de nous mentir, de nous tromper, de nous juger trop faible pour comprendre la vérité ou indigne de l'entendre.

 

Au travers de ce texte émouvant, Patrick exprime aussi la profonde désolation que peut éprouver un enfant face à l'abandon d'un parent, surtout lorsque celui-ci se fait sans crier gare. L'enfant risque forcément de culpabiliser, d'envisager qu'il peut être en partie, voire majoritairement, responsable de ce départ inexpliqué. Et surtout, le chanteur explique avec ces quelques lignes «  alors maintenant, on se retrouve sur la route, avec nos peurs, nos angoisses et nos doutes «  qu'en étant ainsi abandonné cette peur que cela se reproduise le poursuivra durant toute sa vie d'adulte, et que cette action irrévocable aura des répercussions psychologiques sur cet enfant même lorsqu'il devra prendre des décisions en tant qu'adulte.

 

Patrick exprime aussi avec brio et avec très peu de mots que tout ce que vit un enfant avec ses parents forge ce qu'il deviendra plus tard, et qu'il est donc essentiel de le protéger des malheurs de la vie sans chercher pour autant à lui voiler la réalité, qu'il faut l'accompagner du mieux possible, même si parfois bien sûr, on lui dire qu'il est «  trop petit pour comprendre «  comme le notifie avec regret le chanteur qui se place dans le cœur de cet enfant qui ne se considère jamais trop jeune pour entendre les échos du monde adulte.

 

En définitive, ce qui me plaît dans ce texte, hormis l'émotion qu'il suscite forcément, c'est qu'il n'est pas si manichéen qu'il n'y paraît de prime abord. Il s'adresse en premier lieu aux parents, pour leur permettre d'avoir une vision d'un angle nouveau, le point de vue de l'enfant qui ne demande qu'à s'exprimer.

On comprend bien que Patrick n'est pas dans le jugement de ces parents qui font de leur mieux mais plutôt dans un objectif de rendre hommage à ces enfants qui se battent au quotidien contre ces cruelles injustices auxquelles ils sont confrontés et son souvent des victimes collatérales, du moins c'est ainsi que je le ressens, car il va sans dire que l'on entendra toutes et tous un son de cloche distinct en fonction de nos propres expériences de vie. 

L'AIGLE NOIR de BARBARA.


(c) linternaute.fr
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S'il est une chanson française qui demeure un mystère pour moi, et sans doute pour pas mal d'autres personnes ayant écouté ce texte un nombre incalculable de fois, c'est bien la sibylline histoire de ce sombre volatil dont on ignore assurément l'identité.

 

Il faut dire que je me retrouve, comme beaucoup, dans une situation dilemnatique pour déceler à qui fait référence Barbara au travers de son récit fantasque et nocturne : j'ai eu le droit à une version toute étudiée avant même d'en pouvoir saisir par moi-même les sens et les subtilités.

 

Dans cette version que le grand public a jugé bon de percevoir, cet étrange aigle noir est une personnification d'un homme, possiblement d'un père, ayant fait subir un inceste à sa fille lorsqu'elle se retrouvait seule dans sa chambre. D'aucuns prétendront même à l'époque qu'il s'agit ni plus ni moins de paroles autobiographiques, ce qui n'a jamais été démontré.

 

Ce qui est résolument certain, c'est que l'on peut tout à fait associer ces paroles prononcées, entre lourdeur d'une profonde souffrance et tendresse due au souvenirs joyeux de l'image du père. Difficile à expliquer !

«  De son bec, il a touché ma joue, dans ma main, il a glissé son cou, c'est alors que je l'ai reconnu, surgissant du passé.... «  dans ces vers, on peut effectivement supputer que l'artiste évoque un père absent qui revient dans la nuit avec des intentions douteuses, mais il s'agit bien de simples supputations... car l'interprète peut tout aussi bien évoquer un homme dont elle aura été éperdument éprise et qui reviendrait un soir de pleine lune...

L'histoire de cette chanson est suffisamment anecdotique pour être mentionnée car il se trouve qu'un autre couplet de six vers apparaissait dans sa version originale, mais que l'artiste elle-même a jugé nécessaire de couper avant l'enregistrement définitif. Entre autres, ces lignes additionnelles clamaient :

 

«  J'avais froid, il ne me restait rien. L'oiseau m'avait laissée seule avec mon chagrin... «  Là encore, libre à nous d'interpréter ces mots selon des points de vue divers, qu'ils caractérisent l'atrocité d'une jeune fille ayant subi des attouchements ou une jeune femme en proie à une incommensurable tristesse de voir l'être aimé s'en aller. Et l'on pourra aisément émettre une myriade de suppositions quant au fait que ces paroles auront été prématurément effacées, là encore, tout est question d'interprétation !

 

Reste donc cette seconde théorie, celle d'un amour inassouvi ou inopinément interrompu, théorie qui a notamment vu le jour par les opposants de cette version jugée tirée par les cheveux au vu de la tendresse qui se dégage de certains des passages, à l'instar de celui-ci :

«  Comme avant, allumer le soleil, être faiseur de pluie, et faire des merveilles... «  On peut y ressentir les émois d'un jeune couple qui découvre l'amour et ses multiples apprentissages.

Pour conforter ces deux théories diamétralement opposées, tandis que certains souligneront que le récit de l'inceste ferait écho avec le propre vécu de la chanteuse, ce qu'elle n'a jamais officiellement relié à la chanson, d'autres évoqueront sa folle histoire d'amour avec un peintre en insistant sur le caractère trop lumineux et envoûtant de la chanson pour s'avérer être de si noires déclarations.

 

En relisant ce texte de façon plus poussée et en m'interrogeant sur chacune des strophes prononcées par la grande chanteuse, je ne peux m'empêcher d'y voir une toute autre interprétation : dans celle-ci, l'aigle noir serait effectivement le père de cette jeune fille, mais celui-ci se serait d'ores et déjà envolé vers un autre monde. Auquel cas, l'aigle évoqué au cours de cette envolée musicale où le protagoniste principal émettrait un rêve dans lequel son parent perdu reviendrait lui faire un dernier adieu, un adieu symbolique où alors chacune des actions citées prendraient un tout autre sens.

 

Ce sont notamment les paroles issues du paragraphe ci-contre qui m'ont dirigé dans ce sens de réflexion :

«  L'aigle noir dans un bruissement d'ailes, prit son vol pour regagner le ciel « 

Pour moi, ces lignes peuvent induire que l'aigle en question rejoint le ciel, à savoir le paradis ou tout autre lieu poétique pour imager la mort. A noter que le couplet suivant, dans lequel Barbara s'adresse directement à l'aigle, peut aussi s'apparenter au rapport père / fille, mais avec une incroyable bienveillance :

«  Dis l'oiseau, ô dis, emmène-moi, retournons au pays d'autrefois, comme avant, dans mes rêves d'enfant... « 

Dans ces lignes, j'entrevois parfaitement le discours d'une adolescente qui supplierait son père défunt de revenir en arrière, de l'accompagner à nouveau comme lorsqu'elle était enfant, sur le chemin de la vie.

 

En définitive, ce que j'apprécie amplement dans cette chanson, outre les multiples interprétations d'artistes tel Patricia Kaas ou Florent Pagny, c'est à juste titre ces multiples visions que l'on peut avoir de ce texte. Qu'il s'agisse d'une dénonciation d'un acte incestueux, du dernier hommage d'une enfant endeuillée ou encore l'ultime rencontre entre deux amants passionnés, l'important est que cette chanson parvienne à susciter de vives émotions en fonction de notre ressenti individuel, et n'est-ce pas là le plus important ?

 

D'ailleurs, et si cette chanson n'avait rien de métaphorique et que cette jeune fille avait vraiment vu un volatil cette nuit-là ? Qu'importe, l'essentiel c'est l'émotion qui se dégage de ce magnifique texte.

 

''POUR ME COMPRENDRE'' de Michel BERGER.


(c) qobuz.com
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C'est parti pour un quatrième titre : j'avoue m'être plongé dans les chansons d'un des plus grands paroliers, selon moi, de la chanson française, j'ai nommé Michel Berger, et j'ai eu grand mal à ne choisir qu'un seul texte tant il y en a qui me parle !

 

Indéniablement, ''Pour me comprendre''  est de ceux-là.

 

Ce texte évoque un sentiment que nous avons toutes et tous traversé à un moment-clé de notre existence : ce sentiment d'être incompris d'autrui, de ressentir un gigantesque sentiment de solitude, de se sentir seul même si on est entouré, car une véritable compagnie s'accompagne nécessairement d'une connaissance profonde de la personne à laquelle on fait face.

 

Dans ce modeste cri de détresse, Michel Berger s'adressait à son amour de jeunesse, une certaine Véronique Sanson, celle-là même qui venait de le quitter pour prendre un avion direction les Etats-Unis. Il vécut alors une période particulièrement morose qui lui inspira donc ces quelques lignes, lignes qui demeurent intemporelles et universelles puisque nous pouvons communément nous retrouver dans cette triste position d'être abandonné par l'être aimé.

 

Quelques strophes méritent selon moi que l'on s'y attarde quelques instants, puisque ce sont ces belles, et authentiques, phrases qui confèrent à cette chanson, toujours selon mes préférences personnelles, son statut de ballade empreinte de moult émotions.

A commencer par le premier couplet, qui donne le ton général de ce titre, à savoir une grande ouverture sur l'âme de cet artiste :

 

''pour me comprendre, il faudrait savoir qui je suis.... il faudrait connaître ma vie.... devenir mon ami''.

Avec ces quelques mots d'où se dessine une palpable émotion intergénérationnelle, le chanteur nous expose une vérité des plus évidentes : comprendre quelqu'un, c'est connaître son histoire, ses failles ,afin de mieux pouvoir se mettre à sa place lorsqu'il / elle a besoin d'être épaulé(e), ce qui implique de devenir un ami, un confident. Il décrit tout autant une grande histoire d'amour qu'une tout aussi grande histoire d'amitié. Et il parvient tout autant à expliquer que si nous pouvons posséder beaucoup d'amis, peu d'entre eux peuvent se vanter de vous connaître vraiment et d'avoir vraiment ce titre honorifique !

 

Par le biais du second couplet, le chanteur pousse son auditoire à s'interroger sur une question existentielle :

''Pour me comprendre, il faudrait le décor de mon enfance...... il faudrait connaître mes nuits, mes rêves d'amour, et puis mes longues insomnies.''

A quel point connaît véritablement quelqu'un ? Faut-il nécessairement tout savoir de l'autre pour le comprendre ? Dans ce passage, on est en droit de s'interroger individuellement pour savoir si on ne demeure pas en définitive seuls à se connaître réellement, même si on peut passer sa vie à essayer de comprendre les autres, ou tâcher de se faire comprendre...

 

Plus loin, l'auteur-compositeur s'épanchera davantage sur sa situation sentimentale et son texte évoquera plus son désespoir à l'idée d'avoir perdu la femme de sa vie, mais là encore, ses paroles emplies de sincérité pourront aisément faire écho avec le vécu de n'importe lequel d'entre nous :

 

«  Pour me comprendre, il faudrait avoir rencontré, l'amour le vrai, vous comprenez le grand amour. Et savoir qu'après, à quoi sert de vivre encore un jour « …. Avec ces mots particulièrement touchants, Michel exprime le désastre confondant que représente le vide laissé par le départ d'un être aimé. Une corrélation flagrante peut évidemment se faire avec son histoire d'amour où il semble ressentir une incompréhension vis-à-vis de son entourage. Ne comprenait-il pas la force de son amour ainsi que de sa détresse suite au départ de celle qu'il aimait ou bien ne parvenait-il pas à l'exprimer avec de simples mots ? D'où ce besoin viscéral de clamer cette profonde et amère solitude au travers de ce texte prenant et qui ne peut laisser indifférent.

 

Evoquons à présent pourquoi cette chanson figure immanquablement dans les titres que je considère comme étant les plus incontournables de la chanson française ( en terme d'émotions ). Eh bien déjà parce que le chanteur se livre ici sans fausse pudeur, sans chercher à plaire. On a le sentiment d'assister à la lecture d'un journal intime. Et parallèle, ses paroles résonnent de façon intemporelles car on vit tous, à un moment ou à un autre, ce sentiment d'être différent, incompris, de ne plus trop savoir vers qui se tourner car on a la triste sensation que personne ne peut saisir notre souffrance, nos peurs, notre chagrin.

 

''PARTIR AVANT LES MIENS'' de Daniel BALAVOINE.


(c) melody.tv
(c) melody.tv

S'il est un artiste qui selon moi peut faire briller assurément dix de ses textes dans ce classement des chansons françaises les plus marquantes en terme de messages forts, c'est incontestablement ce grand orateur et parolier qu'est l'illustre Balavoine.

 

Outre ses multiples textes tous porteurs d'un message singulier, c'est avant tout l'artiste et le «  personnage «  que j'admire énormément. Il savait mettre les pieds dans le plat comme on dit et n'avait pas peur de dire tout haut ce que le peuple pensait tout bas, on était alors bien loin des discours consensuels des personnages publics de nos jours. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que ses grands textes sont à la hauteur du grand homme qu'il était, homme pourvu d'une personnalité de poigne et d'une franchise exemplaire.

 

Alors, pourquoi avoir choisi ce texte en particulier alors qu'il existe pléthore de chansons bouleversantes parmi ses plus grands succès ? Eh bien je vous dirai que c'est parce que ce texte évoque un sujet plutôt rare dans les textes traditionnels, à savoir la mort. Non pas la mort au sens large du terme ou en rapport avec un deuil difficile, mais la mort de son interprète, de celui qui l'écoute. Ce texte poussant à se questionner à titre personnel sur notre rapport à la mort, sur nos craintes, nos convictions et... nos incertitudes. Ce texte est aussi très troublant car rempli de propos que l'on oserait décemment dire devant ses proches....et Daniel le fait avec beaucoup de poésie.

 

Dans les premières déclarations chantonnées par ce grand artiste, il est certes question d'un enterrement mais on ne comprend pas instantanément qu'il s'agit de celui qui nous transporte. Il évoque d'ailleurs des antonymes d'idées qui laissent supposer que le protagoniste est dans l'acceptation de son départ :

 

«  Petite foule danse autour d'un corps s'endormant... Douceur immense... pour le départ d'un parent «

Par le biais de ces quelques idées lancées de prime abord, le chanteur procède à la dédramatisation d'un sujet pourtant ô combien glacial : la mort. D'ailleurs ce qui également anecdotique c'est qu'il ne prononce dans aucun paragraphe le terme de mort mais emploie uniquement des termes qui s'y réfèrent : enterrement, partir, etc...

 

Plus loin, il évoquera de tendres sourires, des chuchotements ainsi que le terme fête pour imager son enterrement. Il met ainsi en lumière le caractère sacré de cet instant douloureux que sont les obsèques avec ce protocole où l'on aura tendance à pleurer le départ d'une personne, même l'on aura pas forcément apprécié cette personne de son vivant ( c'est un point de détail que je n'ai jamais réussi à comprendre ) tout en balayant d'un revers de la main l'aspect protocolaire qui dit que l'on doit forcément afficher une... tête d'enterrement !

 

Le cœur de la chanson est sans nul doute ce qui m'a convaincu de classer ce titre parmi ceux que je considère comme les plus réussis en terme d'émotions procurées et partagées. En effet, Daniel y évoque des sentiments que l'on peut tous logiquement se poser dès à présent :

 

«  Et j'ai souvent souhaité de partir avant les miens, pour ne pas hériter de leur flamme qui s'éteint... « 

Lorsque l'on vit le deuil d'un proche, on réalise ce que le chanteur aura voulu signifier au travers de ces lignes... qu'il est presque rassurant de s'en aller pour être certain de ne pas avoir à subir l'immense chagrin de leur perte.

Théorie qu'il confirme d'ailleurs dans le passage suivant, toujours aussi empreint d'une émotion palpable :

 

«  Et m'en aller en gardant le sentiment qu'ils vivront éternellement... «  Cette nouvelle proclamation, particulièrement véridique dans l'esprit de cet homme de passion, est un cri du cœur qui bouleverse car on est toutes et tous amenés à espérer, dans un petit coin de notre tête, que les êtres qui nous sont chers survivront à toutes les embûches de la vie, mort y compris. Un grand sage a d'ailleurs dit qu'il ne fallait jamais opposer ces deux notions, puisqu'une l'une dépend essentiellement de l'autre, le seul contraire existant à la mort étant la naissance, et ce d'un point de vue philosophique et scientifique.

 

Le dernier couplet, quant à lui, est une déclaration posthume que nous transmet le protagoniste à l'attention de ses parents et de sa fratrie, dans laquelle il leur adresse ses «  dernières volontés « :

«  Père et mère, sœurs et frères, je vous aime puissamment. N'adressez aucune prière, où que j'aille je vous attends... » Avec ces mots forts en émotion, il dit peu mais il dit tout ! C'est effectivement le mieux que l'on peut souhaiter aux proches qui nous survivent : de savoir qu'ils sont aimés et qu'ils seront chaleureusement accueillis dans l'autre monde... le plus tard possible. Le reste n'est qu'artifices...

 

Ce que j'apprécie amplement dans ce texte si singulier, outre qu'il est interprété par un monstre vocal doté d'une puissance incroyable dans les aigus, c'est justement qu'il explore un sujet qui doit bien rester bien présent dans une part plus ou moins sombre de notre esprit, à savoir que nous ne sommes pas éternels et que nous serons, tôt ou de préférence tard, confrontés à ce cas de conscience du comment dire adieu, comment accepter qu'on est arrivés au bout de son parcours ou encore accepter que le monde va continuer de tourner même lorsque nous ne serons plus là. Ce texte fait indéniablement réfléchir et c'est ça qui lui donne ses lettres de noblesse.